TRIZ ou l’art de cultiver les contradictions

Les contradictions sont au cœur de TRIZ mais il y a également beaucoup de contradictions dans la diffusion et la compréhension de cette science-philosophie de l’innovation. Pour tenter de clarifier ou rectifier certains points de vue, 10 questions et 10 réponses.

1. TRIZ ne s’applique qu’à des domaines techniques – technologiques ?

Le contexte dans lequel et pour lequel TRIZ a été formalisée concernait effectivement les progrès ou innovations technologiques. On dit parfois, à juste titre, que TRIZ est une solution développée par des ingénieurs pour d’autres ingénieurs (NB : G. Altshuller n’a pas travaillé seul). Mais TRIZ s’applique remarquablement bien à tout type de problème y compris les problèmes d’organisation, d’efficacité, de contrôle… ainsi que d’ordre personnel. Des messages publicitaires ont même été conçus à l’aide de TRIZ !

A partir du moment où le problème est caractérisé par une ou par plusieurs contradictions, TRIZ peut être actionnée.

2. TRIZ ne résout que des « problèmes » ?

Comme c’est presque toujours le cas en créativité, la notion de problème doit être considérée dans son sens le plus large. En consultant un dictionnaire des synonymes, vous obtiendrez notamment les équivalences suivantes : affaire, complication, difficulté, question, souci, sujet . Ajoutez-y défi, challenge, opportunité et vous aurez cerné, à peu de chose près, tous les problèmes susceptibles d’être traités avec le concours de TRIZ.

3. Impensable de pratiquer TRIZ sans un logiciel spécialisé ?

Certaines sources d’informations ou de services font référence à des logiciels dédiés à TRIZ. Sauf erreur ou exception, il s’agit de bases de données – ressources  (ex : inventive principles, inventive standards, trends of evolution) ou de logiciels facilitant certaines opérations (ex : représentation graphique d’une analyse fonctionnelle). Ces outils accompagnent tout ou partie du processus mais, malheureusement, ne réfléchissent pas encore à votre place. Autrement écrit, des supports plus conventionnels (ex : Excel, Visio, logiciel de Mind Mapping) sont tout à fait adéquats.

4. TRIZ dispense d’être créatif ?

Prétendre que TRIZ permet de faire l’économie de la créativité reviendrait à dire que l’on peut faire du café sans eau. Il est vrai que la manière dont TRIZ est parfois présentée donne l’impression d’un processus où la logique, seule, est requise. Mais ce n’est qu’une impression, TRIZ est une démarche à cerveau complet.

5. Brainstorming & TRIZ sont antinomiques ?

Non, il est même illusoire de pratiquer TRIZ sans brainstorming. Toutefois, c’est moins la technique au sens strict que l’esprit, l’alternance de phases divergence – convergence et les principes-clés du Brainstorming qu’il faut considérer.

6. TRIZ est une technique de créativité s’appuyant sur une matrice ?

TRIZ contradictions techniques

La face la plus connue du kaléidoscope TRIZ est la Matrice des Contradictions Techniques fusionnant 39 paramètres ou contradictions-types (lignes et colonnes) et 40 principes (intersections). C’est la partie la plus facile et la plus visible mais il est incongru de réduire TRIZ à cette matrice. Il est par ailleurs possible d’appliquer la démarche TRIZ sans recourir à cette fameuse Contradiction Matrix.

Pour l’anecdote, vers la fin de sa vie, G. Altshuller avait pris la décision de la retirer prétextant qu’elle impliquait trop d’essais et d’erreurs (elle a finalement été réincorporée).

7. TRIZ égale complexité ?

TRIZ réclame de cadrer le problème, de l’analyser, de l’abstraire, de sélectionner et d’appliquer les outils adéquats, d’être créatif vis-à-vis de plusieurs (dizaines de) paramètres, … Il faut prendre le temps, être à la fois rigoureux, logique et créatif. Rien à voir avec un Brainstorming-minute ou d’autres solutions créatives plus fun mais les résultats sont systématiques ou systématiquement proportionnés aux efforts investis.

Cette relative complexité – si tant est que discipline, rigueur, patience, créativité… soient des attitudes complexes – est probablement ce qui explique la faible notoriété et le peu d’enthousiasme à l’égard de TRIZ.

8. Une solution via TRIZ est toujours évidente, logique ?

Heureusement ! Dans le cas contraire, elle ne pourrait prétendre au titre de solution. A moins que la question soit la suivante : Est-il possible de trouver les mêmes solutions sans TRIZ ?. La réponse est oui et doit être modulée :

  • En principe, pour les problèmes dits non-ordinaires, les techniques exclusivement ou majoritairement heuristiques consommeront beaucoup plus de ressources (ex : temps, tentatives, intervenants…) ;
  • En revanche, pour des challenges ordinaires, d’autres techniques, plus simples ou plus rapides, permettent d’espérer des pistes de solutions identiques ou équivalentes.

9. Des versions simplifiées donnent des résultats équivalents ?

Prenons une analogie. Une checklist comprenant une dizaine de contrôle est-elle, potentiellement, aussi efficace qu’une autre en présentant une centaine ? Dans ces cas-là, on écrit généralement no comment.

10. TRIZ n’a pas encore dévoilé tous ses secrets ?

C’est exact et à plus d’un titre.

  • Le monde occidental ne connaît qu’une partie de TRIZ, pour une raison très simple : certains travaux d’Altshuller n’ont pas encore été traduits et sont donc uniquement accessibles aux personnes maîtrisant la langue russe.
  • Notamment d’anciens disciples ou élèves d’Altshuller tentent de faire évoluer raisonnablement TRIZ. Un des axes de travail est l’adaptation de TRIZ à de nouveaux champs d’application (ex : management, marketing, développement personnel…).

Si l’on considère que TRIZ est une découverte majeure, il faut s’attendre à ce qu’elle soit impactée par des innovations à différents niveaux.