Résolution de problèmes et biais cognitifs font souvent très bon mauvais ménage. Et parmi ces travers cognitifs, il y a ce que l’on peut qualifier de « pensée en tunnel ».
La vision en tunnel est une pathologie causant un rétrécissement, et parfois la perte, de la vision périphérique ; une personne atteinte de ce trouble voit uniquement ce qui est devant elle. Au sens métaphorique, la pensée en tunnel désigne une manière de penser qui tend à ne considérer qu’un seul point de vue, à voir certaines choses à l’exclusion d’autres.
Pour échapper à la pensée en tunnel, rien de tel qu’un hélicoptère. En termes un peu moins métaphoriques, il faut prendre de la hauteur, il faut favoriser une vision à 360 degrés. Pour y parvenir (un peu) plus facilement, il y a des modèles (synonymes : trames ou canevas).
Figurant probablement parmi les plus simples, il y a le modèle « TOP ». Proposé par H. Linstone, TOP est l’acronyme de Techniques, Organisation et Personnel, les trois directions ou points cardinaux à prendre en compte pour réaliser un 360 degrés.
Technique, Organisation, Personnel
T = Technique
- C’est l’approche rationnelle, scientifique, logique … C’est la posture analytique, celle encore qui va faire appel à l’un ou l’autre modèle, à l’une ou l’autre théorie.
- C’est souvent l’approche par défaut, c’est le regard technocrate, le mode classique de résolution de problème.
O = Organisation
- C’est le regard vers le groupe ou, mieux encore, les groupes parties prenantes. Ici on doit ou devrait prendre en compte notamment les intérêts communs, les comportements, les influences (y compris celles des acteurs de second plan), les interactions (positives et négatives), les processus et les procédures, la culture, …
- C’est globalement le regard du sociologue ou de l’anthropologue.
P = Personnel
- Ici on porte la réflexion sur l’individu, sur les individus ; c’est le moment de la prise en compte des connaissances, des intérêts et des objectifs individuels. On va essayer de comprendre les points de vue individuels, les émotions et les modèles mentaux en jeu. C’est ici également que l’on devrait se pencher sur la personnalité, sur les actions, sur les intentions déclarées ou silencieuses du « chef » (leader, manager, dirigeant …) et plus largement sur le statut et la posture de chaque personne-clé.
- L’axe P est celui qui invite à pratiquer l’empathie.
Pour décrire TOP autrement, le volet T correspond plutôt à une approche « hard », quantitative tandis que O et P sont plus dans le « soft », dans le qualitatif. Ainsi, dans le cas d’un chiffre d’affaires qui s’essouffle, on pourrait documenter le problème de la sorte,
- T : chiffres / statistiques / corrélations, historique, analyse 80-20, benchmark, publications académiques, …
- O : (dys)fonctionnement interne, appréciation du bouche à oreille, nature des relations entre les parties prenantes (« stakeholders »), détection de signaux faibles ou des tendances émergentes, …
- P : motivation des vendeurs, aspirations des clients, intervention de clients-mystères, …
Un modèle brut
TOP n’est pas une méthode ; c’est une recommandation générale, trois axes pour nourrir un questionnement et tendre vers une vision élargie. Un canevas brut probablement trop simple ou trop dépouillé au goût de certains.
Pour celles et ceux qui vont le mettre en pratique, deux ou trois suggestions :
- La frontière entre O et P n’est pas nette mais, pratiquement, peu importe.
- Attention à ne pas surévaluer la vision T notamment en l’important dans O et P (avec des chiffres ou des statistiques par exemple).
- TOP peut être déployé pour structurer un rapport ou un argumentaire ; il pourrait également se montrer utile pour alimenter un business case.
Si l’angle T est l’approche spontanée pour la majorité d’entre nous, la même majorité devrait être d’accord pour reconnaître que TOP a au moins une vertu, celle de dire « STOP, il y a d’autres angles de vue à prendre en compte » !