Questionner pour (mieux) innover

Les dirigeants et les managers qui n’ont pas l’habitude ou le courage de poser fréquemment des questions se privent de précieuses occasions d’acquérir de nouvelles connaissances. Pour ceux-là, interagir avec des collaborateurs se résume à faire respecter des instructions et à évaluer des performances. Sans doute est-il important de (faire) croire que l’intelligence est uniquement présente au sommet de la pyramide. (1)

Il est vrai que notre éducation et nos éducateurs nous formatent pour que nous excellions dans le registre des réponses mais pas nécessairement dans celui des questions. La pression du quotidien, les vraies et fausses urgences, le « tout-tout-de-suite-sans-effort », le culte du moi, l’ego et la crainte de paraître faible, indécis, hésitant, ignorant, … n’arrangent pas le tableau. Bien embêtant tout cela car

« Une question qui n’est pas posée est une porte qui demeure close. » (M. Goldberg).

Les intérêts cumulés ou composés des questions

Avez-vous remarqué que l’objectif d’une question n’est pas toujours d’obtenir une réponse ? La preuve avec la phrase précédente se terminant par un point d’interrogation et ayant pour but de vous faire réfléchir et d’introduire ce qui suit.

Une question a probablement autant d’usages qu’une dose de Mini Mir :

  • Apprendre ;
  • Recevoir des conseils ;
  • Faire exprimer des connaissances tacites ;
  • Chercher à savoir comment l’autre cadre un problème ;
  • Collecter des points de vue dissociés et composer une vue d’hélicoptère ;
  • Briser la glace ;
  • Partager un problème, une préoccupation ;
  • Céder la parole et se mettre à l’écoute ;
  • Entrer en empathie, se mettre au service de l’autre, … ;
  • Montrer – ou faire entendre – à l’autre que son avis compte ;
  • Vérifier que l’on a été compris ou indiquer que l’on n’a pas compris ;
  • Instrumenter une attitude qui caractérise généralement les innovateurs : la curiosité ;
  • Collaborer ;
  • Appeler ou initier de nouvelles idées.

T. Fadem (2) suggère une autre façon de percevoir les atouts des questions ; pour lui, il y a trois types de questions :

  1. Celles où les réponses comptent avant tout (le questionneur cherche à obtenir de l’information) ;
  2. Celles où les questions en tant que telles sont prépondérantes (pour engager une discussion ou un débat par exemple) ;
  3. Celles dont la valeur ajoutée est dans le processus ; plus important que la question ou que la réponse, le questionnement est utilisé pour amener un individu ou un groupe à découvrir des choses par lui-même, à changer de paradigme, etc. (c’est un mode opératoire des coaches, des mentors ; le mauvais manager ayant souvent un penchant pour sa déclinaison négative à savoir l’inquisition).

Bien que les questions de type 3 paraissent plus nobles, toutes les questions ont leur place dans un contexte d’innovation à 360 degrés.

questionLes germes de l’innovation

Une idée n’est jamais à base zéro ; une idée – et a fortiori une innovation – ne naît pas du néant, elle voit le jour grâce à une ou à plusieurs sources d’inspiration. Dès lors, la logique est très simple : plus vous posez de questions, plus vous forcez la chance d’être bien inspiré ; au plus vous posez des (bonnes) questions, au plus vous recevez des réponses susceptibles de vous faire voir ce que vous n’aviez pas encore vu.

Mais encore et puisqu’il est impossible d’être aux quatre coins de d’une entreprise ou du monde, les questions posées aujourd’hui permettent souvent d’anticiper les problèmes ou les opportunités de demain. Des collaborateurs, des fournisseurs, des partenaires … invités (sincèrement) à s’exprimer, c’est autant d’oreilles et d’yeux que l’on vous prête. Parmi les observateurs à privilégier :

Encore faut-il poser les bonnes questions

Plusieurs ouvrages exposent une pléiade de conseils (cf. sélection en bas de page). S’il fallait en retenir trois :

  1. Ne poser que des questions ouvertes (les questions fermées étant généralement suivies d’une réponse « oui » ou « non » peu instructive et n’initiant aucun dialogue) ;
  2. Choisir le moment et l’endroit ;
  3. Ecouter les réponses (écouter est beacoup plus qu’entendre).

N’oubliez pas de donner « quelque chose » en retour ou en échange. Deux contre-exemples pour illustrer ce besoin :

  • Un collaborateur est invité, en apparente sécurité, à donner son opinion à propos d’un problème important ; quelques jours plus tard, « on » lui fait payer sa franchise !
  • La créativité ou l’ingéniosité de tous est sollicitée pour accélérer l’innovation ; les idées de certains salariés sont retenues mais sans aucun feedback aux auteurs !

Alors que le retour aurait été facile à donner, la conclusion sera probablement « on ne m’y reprendra plus » ou encore « qu’ils aillent au diable » !

Pour ce qui est du fond, fond destiné à faire éclore ce que l’on espère récolter dans les réponses, on partira de questions-types (ex : QQOQCCP) ou de questions plus élaborées.

Enfin, pour conclure et pour résumer, un dicton incontournable :

Poser une question c’est avoir l’air idiot dix secondes, ne pas la poser c’est rester ignorant toute sa vie.


(1) Adapté de « Leading with Questions » – (2) Dans « The Art of Asking ».