Les communiqués de presse sont, pour la plupart, destinés à des parties prenantes ou des publics externes. Moins souvent, ils sont produits pour des communications internes. Ce qui est par contre très inhabituel, c’est de rédiger des communiqués de presse pour soi-même, ses superviseurs et collègues. C’est pourtant une pratique originale instituée par une entreprise qui laisse rarement indifférent : Amazon.
Personne n’osera contester le fait qu’il faut réfléchir avant d’agir. Chez Amazon, ce conseil élémentaire est doublé : réfléchir avant d’agir et écrire pour (mieux) réfléchir. Une double recommandation adressée en particulier à tout product manager quand il propose un nouveau produit ou service. Avant même d’élaborer un prototype, le chef produit doit travailler à rebours ; en adoptant le point de vue du client, il doit projeter son idée dans le futur en l’imaginant et en la présentant, sous son plus beau jour, dans un communiqué de presse. Tout en étant, à la fois, très concis et relativement complet. Une contradiction physique solutionnée de la sorte:
- Le communiqué de presse condense l’expérience-client promise par le nouveau produit ou service. Il doit tenir sur une page ; il n’y a pas de canevas imposé mais c’est généralement la séquence SCQR qui prévaut ;
- A ce communiqué se greffent jusqu’à cinq pages de FAQ c’est-à-dire les questions – et les réponses ! – que devraient normalement se poser le client-type ainsi que les départements Amazon concernés.

En somme, le communiqué porte sur les émotions quand les FAQ abordent les aspects plus terre-à-terre.
Comme pour d’autres pratiques (ex : élaboration stratégie ou confection budget), ce qui importe, c’est d’abord et avant tout la réflexion et les itérations servant à construire, à déconstruire et à reconstruire le communiqué de presse, moins que le document final. Et, dans le même état d’esprit, si ce genre de communiqué de presse atypique est inévitablement partagé et retravaillé avec certains collègues et supérieurs hiérarchiques, l’auteur doit prioritairement le partager avec … lui-même pour l’amener à prendre conscience des facettes et des faiblesses éventuelles du projet et l’améliorer.
De ce rituel, pour le moins inhabituel et apparemment imposé, on peut tirer quelques enseignements :
- Il y a un à deux avantages pécuniaires : commencer par (re)travailler une idée sur papier est bien moins coûteux que de réaliser et faire évoluer un prototype et, puisque le temps c’est de l’argent, ce procédé doit normalement faciliter et accélérer la sélection de projets.
- On est dans ce que l’on pourrait appeler de la réflexion assistée par l’écriture qu’il est, pratiquement, inconcevable de sous-traiter à un tiers ou à l’intelligence artificielle.
- Contre toute attente, il faut maintenant admettre qu’argumenter n’est pas exclusivement destiné à convaincre d’autres personnes. On peut produire des argumentaires pour soi-même … une autre bonne raison d’adopter les logiques de la Pyramide de Minto !
- Il y a différents intitulés – travailler à rebours (working backwards en anglais), visualiser le Résultat Idéal Final (RIF), commencer par le début de la fin (cf. principe n°13 inversion), … – pour exprimer une recette inégalable consistant à prendre la place du client, à voir les (nouvelles) choses de son point de vue.
Dommage qu’Edward de Bono n’ait pas prévu un septième chapeau (rose, couleur souvent associée à l’empathie).
Source : Working Backwards.